De douteux miroirs
« Le jour où je compris que la couleur d’une chose était la part de lumière que la chose n’avait pas absorbée, que cette image qu’elle donnait d’elle était exactement ce qu’elle n’était pas, ce qui n’était pas sa substance, ce qu’elle rejetait, alors je compris pourquoi je m’étais si longtemps méfiée des couleurs et paradoxalement, dans le même temps leur usage me fût rendu…
Produire une couleur, c’était toujours se tromper de cible : ou bien on était dupe et on augmentait l’opacité du monde, ou bien on savait qu’il y en avait une autre invisible, cachée derrière, fondue dans la matière (celle qui apparaissait quelquefois un instant au fond de l’œil quand on avait fixé longtemps la première), et il ne restait, pour s’en approcher au plus près, qu’à les aligner toutes, du rouge au violet, le trompe-l’œil de l’une révélant l’invisible de l’autre.
Exhiber ensemble toutes les couleurs du spectre permettait de connaître, sans y laisser un œil ou les deux, ce qui ne peut se soutenir. »*
C’est ainsi par ces douteux miroirs semi-réfléchissants que sont les couleurs, que prudemment je jetai d’abord les yeux sur la Lumière, avec la ferme intention de me forger à l’avenir une collection de boucliers pour aller y voir de plus près.
Miroir des eaux, miroir ardent, miroir sans tain, miroir sorcière, miroir aux alouettes,
mon beau miroir… dis-moi qu’Elle est la plus belle !
Hélène Mugot, Février 2007
(*texte personnel extrait d’un catalogue)