La Révélation

Je devais être étudiante depuis à peine 2 ans à l’ENSBA de Paris, quand, en pleine nuit, l’image de ce dessin me réveilla et me fit me lever, prendre ma mine de plomb et la première feuille de papier qui me tombait sous la main pour fixer, d’un jet, cette image puis je me recouchai et m’endormis. C’était au temps de ma préhistoire, quand je dévorais les vieux maîtres aux cabinets des estampes de la Bibliothèque Nationale et des dessins du Louvre. À mon réveil, il y avait au pied de mon lit, dressées sur mon chevalet, ces deux femmes : une espèce de Ménine de Velasquez dont seul le visage émergeait d’un habit surchargé et un nu massif monté sur un tabouret dont la tête était cachée par la chemise qu’elle retirait.

Ce fut une RÉVÉLATION.

Depuis des mois, ignorante de mon désir, je testais tous les modèles académiques dans l’insatisfaction de ne pouvoir parvenir à signifier l’entièreté des choses dans une oeuvre. J’étais tourmentée de toujours trahir et voilà que m’apparaissait le SENS même de l’Art. Le sujet et le médium importaient peu. Je venais de comprendre que l’Art permettait de tenir ensemble, dans l’espace de l’oeuvre, la face et le revers, le positif et le négatif, la naissance et la mort, le Bien et le Mal, qu’il pouvait ne plus y avoir, comme dans la Vie, à choisir, à tronquer, à amoindrir, à déformer, à perdre le Réel.

C’est là que ça commence.

Là, la première issue d’où jaillirent ce que je reconnais comme mes premières oeuvres qui me valurent le surprenant honneur d’ être reçue, avant même mon diplôme, à l’ Académie de France à Rome. Il faut croire que l’ enthousiasme irradiait ces premières et modestes « Icônes anémiques ».

Ce dessin d’en-deçà, n’a encore jamais été exposé. Il est aujourd’hui par les circonstances, mon tendre adieu à Armel Beaufils…

 

Hélène Mugot, 2017

Exposition Armel Beaufils, Le Regard des Femmes