Description
A l’époque où je rêvais d’atteindre un art de pure lumière et où mes doigts obstinément se rappelaient par leurs traces, sur mes œuvres, à ma condition charnelle, je découvris en pratiquant l’holographie, que chaque lumière monochromatique possédait ce qu’on appelle une frange d’interférences qui, selon la couleur de cette lumière dessinait une espèce d’empreinte aux sillons concentriques, larges dans le rouge, moyens dans le vert et fins dans le bleu… Je crus y reconnaître les empreintes divines des 3 doigts pointés vers le bas qu’on trouve souvent tout en haut de certaines fresques romanes … La main de Dieu est ainsi représentée, avec en demi-cercle au-dessous, l’arc-en-ciel…
La Physique faisait la preuve en quelque sorte de la vision romane ; la Lumière rayonnante du Soleil et la main divine se confondaient.
Dans l’imaginaire poétique de l’Homme, Dieu réussissait à faire « une » la matière de la chair et l’immatérialité de la lumière, qui restent pour l’Homme à jamais séparées. C’est à cette même époque que je conçus l’œuvre « de consolation » : Noli me tangere. En projetant le spectre lumineux de mes 10 empreintes digitales, j’éprouvais la joie d’avoir fondu ensemble ma nostalgie de chair et mon désir de lumière.
Hélène Mugot
Cette œuvre a été présentée à la Galerie Aline Vidal – Paris, au Kunstverein d’Heidelberg et au CAC l’H de siège à Valenciennes.
Pour Hegel l’excellence de la vue, par rapport au toucher, reposait sur le fait qu’elle laissait son objet intact, au plein sens du terme. Hélène Mugot aborde le rapport entre visibilité et tactilité dans Noli me tangere (1989), la projection lumineuse le long d’un mur de ses dix empreintes digitales (le titre, “Ne me touche pas”, se réfère, bien sûr, aux paroles du Christ ressuscité dans son corps de gloire).
La pièce s’inspire d’une réflexion sur le statut ambigu du doigt dans l’histoire de la peinture : on parle certes de la “touche” ou du “doigté” du peintre, mais le doigt – le plus souvent remplacé par le pinceau ou autre prothèse – a traditionnellement été l’ennemi de la peinture qui se voulait pure visibilité dont toute trace de facture se voit abolie. Noli me tangere est une sorte d’autoportrait digital de l’artiste portant la trace de la lumière au bout de ses doigts. C’est en même temps une tentative de faire un portrait tangible du spectre lumineux. La forme concentrique de chaque empreinte apparaît comme la matérialisation de la section des ondes de lumière – ce qui est souligné par la composition de la pièce : les empreintes aux deux bords de la rangée sont rouge et violette.
Si les empreintes digitales servent en général à établir l’identité, parfois à résoudre des énigmes judiciaires, elles conservent dans cette pièce – exquisément insaisissable – tout leur mystère.
L’immatérialité de ces portraits, incorporels bien qu’ils s’originent dans la trace du corps, se trouve soulignée par un effet dû aux lanternes chinoises utilisées pour projeter la gerbe lumineuse, et le spectateur a la sensation de voir trembloter les images.
Stephen Wright
Détails
Date: 1989
Technique: Projections lumineuses et cadres de pâte à modeler dorée. (Mini projecteurs de théâtre arrangés, diapositives artisanales et gélatines colorées)
Dimensions: Dimensions variables selon la distance.
Lieu Exposition: Galerie Aline Vidal - Paris, Kunstverein d’Heidelberg et CAC l’H de siège à Valenciennes.
Credits photographiques: Isabelle Chanel, Pascal Pesez