Venir au « bout du monde » et déployer le souffle de l’univers
Depuis longtemps déjà, Hélène Mugot pourchasse, capture la lumière sous toutes ses formes. Elle en recueille les miettes, vous savez, celles qui, selon la légende, ont jailli des récipients ne pouvant plus contenir la lumière originelle trop éclatante. Contente de ce grand éclat en chute, Hélène Mugot se réjouit de cette dispersion. Et cette dispersion nous ravit, car elle est source d’un merveilleux à portée de main.

D’autres pièces sont plus poignantes. Ainsi les photographies d’oliviers millénaires aux branches tronquées, dont les troncs massifs ou éventrés, ont une tournure michelangelesque (Forteresses).
Dans le cabinet obscur, deux œuvres d’apparence très différentes évoquent la fastidieuse ascension du soleil. Les roues du char d’Apollon diffractent la lumière solaire et demeurent, avec leur pesanteur d’haltères, définitivement rivées au sol : Age de fer, années de plomb (Char du Soleil). Tout comme dans l’atmosphère de chromo vidéographique de Méduse, on assiste en accéléré, à l’agonie de l’astre. Propulsé à sept reprises vers le ciel sur un son de respiration, le soleil rougit et coule dans la mer. Un pathétique braiement d’âne couronne cette mise à mort. Le cri de l’animal sacrificiel d’Apollon, qui est symbole de luxure, mais aussi comble de l’innocence, va chercher en nous ce qu’il y a de plus archaïque, provoque un effroi sacré. Fin de la corrida. Défaite de la splendeur antique.
Si le mouvement binaire traverse cette manifestation, c’est pour dire le sac et le ressac, l’inspir et l’expir, le haut et le bas, le positif et le négatif, la couleur mais aussi le noir et blanc. Soit fromage ET dessert. Ainsi, il y eut des soirs, il y eut des matins… Tant de jours !
Danièle Gutmann, Avril 2002